Durant le blocus naval réciproque des Allemands et des Britanniques, la position des États-Unis était celle d’un grand commerçant qui ne veut aucun obstacle dans la bonne marche de ses affaires, et spécialement dans son commerce européen. Depuis la fin du XIXème siècle, les exportations américaines en Europe avaient considérablement augmentées. Depuis le début de la Première Guerre mondiale, les États-Unis étaient devenus le plus grand créancier du monde, grâce aux importantes commandes de munitions passées par le gouvernement britanni que et aux prêts consentis par les banques américaines pour financer ces achats.. L’économie américaine s’améliorait constamment et bien qu’une partie importante de la population américaine - aisée - favorisait une aide plus active à l’égard de l’Angleterre, la majorité de la population ne voulait pas entrer en guerre à ses côtés. Mais la guerre n’allait pas ignorer les navires américains. En 1915, les capacités militaires des États-Unis étaient à l’opposé de sa puissance économique. L’armée régulière avait moins de 90,000 hommes - bureaucrates compris, et une partie importante était concentrée sur la frontière mexicaine. De surcroit, aucun navire de guerre ne fut ajouté à l’inventaire vieillissant de la marine américaine. Le président Wilson espérait qu’il serait en mesure d’imposer sa médiation pacifique sur les belligérants et les amener à épouser sa conception d’un règlement juste et équitable du problème européen. Malgré une neutralité publiquement affichée, Wilson savait que si les États-Unis n’entreraient en guerre que du côté des Alliés. Vis-à-vis de l’Allemagne, Wilson voulait la forcer à reconnaître la suprématie de son commerce maritime avec le continent européen sans recourir à la guerre pour l’imposer.
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Le Lusitania fut construit en deux ans et lancé le 7 juin 1907 à Clydebank, en Écosse. Il quitta Liverpool le 7 septembre 1907 pour son voyage inaugural. Il était équipé des technologies les plus modernes de l’époque, grâce à d'importants prêts du gouvernement britannique. Ces prêts avaient été accordés contre la possibilité pour l'Amirauté de réquisitionner et d'armer le Lusitania (et/ou son sistership) en cas de guerre ; ce qui fut fait en août 1914. Le paquebot fut équipé d'un armement léger au "Canada dock" de Liverpool (12 canons de 6 pouces). A l'époque, ce navire et son sistership étaient les plus grands, les plus puissants et les plus rapides au monde. Dès Octobre 1907, le Lusitania obtint le Ruban bleu, en battant le précédent record du paquebot allemand Kaiser Wilhem II et en mettant fin à 10 ans de domination allemande. Avec 24 nœuds de vitesse moyenne et des pointes à 48 km/h pour une poussée de 27,000 tonnes, ces paquebots étaient conçus pour surpasser le Kronprinz Wilhelm et le Kaiser Wilhelm II, mais avec une énorme consommation de carburant. Au début de l Première Guerre mondiale, le Lusitania, le Mauritania et l’Aquitania furent réquisitionnés par la Royal Navy comme croiseurs auxiliaires pour des fonctions de guerre. Le Mauritania et l’Aquitania auraient reçu des ordres officiels, mais le Lusitania put continuer ses traversées transatlantiques de passagers pour la Cunard Line, peut-être en raison de sa consommation de carburant, mais pour des raisons économiques, avec un nombre de voyages transatlantiques réduit à un par mois et une vitesse maximale réduite à 21 nœuds.
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Le Lusitania sombre rapidement — Affiche revancharde
C'est dans cette conjoncture que débuta les premières attaques contre des navires marchands américains. Le 6 Mai, le paquebot britannique de 31,000 tonnes, le Lusitania, parti de New York pour l’Angleterre, fut torpillé près des côtes d’Irlande par un sous-marin allemand. Le Lusitania fut touché par tribord alors qu'il naviguait à vitesse relativement réduite vers le port de Cobh, à 40 km de là sur la côte sud de l'Irlande. Cette zone venait d’être déclarée « zone de guerre » par les Allemands, et le capitaine avait semble-t-il été informé de la présence d'un sous-marin allemand par les autorités britanniques. Selon les témoignages de survivants, le bruit de l'explosion à l'impact de la torpille fut suivi d'une seconde explosion beaucoup plus violente, et anormale. Elle fut officiellement attribuée à l'explosion d'une chaudière, mais suscita rapidement de nombreuses interrogations. Ce navire solide, ultra-moderne pour l'époque, coula anormalement vite et par la proue, alors qu'il disposait de compartiments étanches que le capitaine avait fait fermer par des portes étanches après avoir reçu un avis de la Royale annonçant qu'un sous-marin allemand croisait dans les parages (il avait aussi fait préparer les canots de sauvetage). Le paquebot sombra en 15 à 18 minutes, ne permettant qu'à 6 canots sur 48 d'être mis à l'eau. Sa coque repose toujours par 93 mètres de profondeur dans une zone brassée par de forts courants.
La nouvelle de la tragédie fait la manchette
Le paquebot britannique est aussitôt présenté à la presse mondiale comme "neutre" et victime de la barbarie allemande. Des conférences, des affiches incitant à la guerre sont diffusées dans tous les États-Unis, appelant souvent à venger le Lusitania. Les Allemands, inquiets par la perspective d'une entrée en guerre rapide des États-Unis se justifièrent en prétendant que le navire transportait des armes, ce que les Britanniques nièrent immédiatement et farouchement, avant qu’en 1972, des archives ne montrent que le Lusitania convoyait effectivement un chargement secret de 11 tonnes de cartouches d’armes légères, et qu'il était armé de 12 canons. Mais le but du torpillage était sans équivoque : dissuader les Américains de commercer avec les ennemis de l’Allemagne. Il y eut 1198 victimes dont une centaine d’Américains. Londres et Washington furent unanimes à reconnaître cette tragé die comme l’acte d’une politique délibérée de la part du gouvernement allemand.
L'épave aujourd'hui
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